Le Gouvernement impose (de justesse) le paquet neutre

Alors que le Sénat avait en grande partie réécrit le chapitre du projet de loi de modernisation du système de santé consacré à la lutte contre le tabagisme, les députés sont revenus en nouvelle lecture à leur propre version du texte – avec en particulier l’introduction du paquet neutre, supprimé par la Haute Assemblée.
Pour autant, les hésitations des députés de la majorité n’auront pas échappé aux observateurs des débats. Retour sur ce texte, sur lequel le Conseil constitutionnel est d’ores et déjà saisi.

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Photo : © Amnarj Tanongrattana

L’application stricte de la directive européenne proposée par les sénateurs concernant le paquet neutre n’aura pas fait long feu, Marisol Touraine ayant bien vite remis le projet de loi dans le droit fil de son Plan national de réduction du tabagisme.
En commission des affaires sociales, les députés ont en effet rétabli cette mesure emblématique ainsi que les meures annexes – sanctions pénales en cas de non-respect du paquet neutre, remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les améliorations sanitaires permises par le paquet neutre et son effet sur l’activité des débitants de tabac.
La commission a également rétabli les articles fixant une distance minimale entre les nouveaux débits de tabacs et les lieux accueillant des mineurs, étendant le champ de compétence des agents chargés de faire respecter l’interdiction de fumer au contrôle de l’interdiction de vapoter, ainsi que les dispositions obligeant les industriels du tabac à rendre publiques leurs dépenses liées à des activités d’influence ou de représentation d’intérêts et prévoyant une peine d’amende en cas de non-respect de ces obligations.
Les députés ont aussi supprimé les aménagements faits par le Sénat concernant la dérogation applicable aux capsules contenant des arômes.
En revanche, ils ont suivi les sénateurs sur certains points : la commission n’a par exemple pas rétabli la contribution sur le chiffre d’affaires réalisé en France au titre de la vente au détail des produits manufacturés du tabac, ni le renforcement de la sanction prévue en cas de fabrication et de détention frauduleuse d’alcool ou de tabac.

Deux voix d’écart

Photo : © Cathy Yeulet

Photo : © Cathy Yeulet

En séance, cependant, les débats ont été plus tendus. Preuve des divergences au sein même de la majorité sur le paquet neutre, en particulier : un amendement de suppression de l’article introduisant cette disposition a été déposé par Frédéric Barbier (SRC, Doubs) et soutenu par certains élus socialistes. Finalement, l’article n’a pas disparu du texte, mais de justesse : 56 députés se sont prononcés contre sa suppression, alors que 54 étaient pour.
Seules deux modifications ont été apportées en séance sur le chapitre de la lutte contre le tabagisme : la première supprime l’obligation pour les entreprises de prévoir des emplacements réservés pour le vapotage (l’interdiction de fumer dans les espaces fermés étant en revanche maintenue), la seconde prévoit la remise par le Gouvernement, avant le 31 décembre 2018, d’un rapport présentant les améliorations de la situation sanitaire permises par la mise en application des dispositions de lutte contre le tabagisme de la loi.

Devant le Conseil constitutionnel
Sans surprise, après avoir été rejeté en nouvelle lecture par le Sénat puis adopté en lecture définitive par l’Assemblée le 17 décembre, le projet de loi faut l’objet d’une saisine de députés et sénateurs de l’opposition auprès du Conseil constitutionnel.
Les élus LR contestent en particulier l’introduction du paquet neutre, vu comme une « surtransposition » de la directive européenne sur les produits de tabac pouvant « être source de situations juridiques contradictoires, voire porter atteinte à des exigences constitutionnelles ». Ils critiquent l’absence d’étude d’impact sur cette mesure, introduite par voie d’amendement gouvernemental, ainsi que la « violation du droit de propriété, principe constitutionnel garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et plus particulièrement du droit de propriété intellectuelle » que constitue le paquet neutre. « L’instauration d’un paquet de cigarette « neutre » aboutit à interdire totalement aux fabricants de tabac d’apposer sur quelque support que ce soit, leurs marques figuratives (logo) et semi-figuratives (logo + marque verbale) », expliquent les députés de l’opposition. « Or cette privation du droit de propriété ne s’accompagne d’aucune indemnisation ».
Combinés, le paquet neutre et la suppression de la publicité sur le lieu de vente « constituent une entrave injustifiée et disproportionnée à la liberté d’entreprendre », ajoutent-ils.
En outre, pour les sénateurs LR, « en l’absence d’étude d’impact, la mise en place du paquet neutre est dépourvue de tout lien direct avec l’impératif de protection de la santé publique. De manière plus grave, elle pourrait même contribuer à y porter atteinte à travers le développement de la contrefaçon et des marchés parallèles. »
Les députés LR contestent également la différenciation faite dans le projet de loi entre les arômes mentholés présents dans le tabac lui-même, qui seront interdits en mai 2020, et les arômes ajoutés par le biais des capsules présentes dans le filtre de la cigarette, qui, elles, seront interdites dès mai 2016.

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